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Photo du rédacteurOlivier Costa

Ecarter l'hypothèse Mélenchon, le prix de la victoire des modérés le 7 juillet


Le pari d'Emmanuel Macron est en passe d'être perdu: il est désormais clair qu'il n'obtiendra pas la majorité qu'il appelait de ses voeux. L'arrivée de Jordan Bardella à Matignon ne peut être évitée que si la gauche l'emporte ou si elle crée les conditions de l'émergence à l'Assemblée nationale d'une coalition des républicains. Mais, pour cela, la gauche doit rassembler au second tour, et elle n'en prend pas la chemin.


Depuis le 9 juin, j’ai échangé avec beaucoup de gens au sujet des élections législatives. Nombre m’ont dit sans détour que, en cas de second tour LFI/RN, ils voteraient pour le RN, car ils sont plus effrayés par Jean-Luc Mélenchon et ses proches que par les responsables du RN. Le carriérisme insolent et l’incompétence indolente de ces derniers rassurent : plus ils sont moqués, et plus Jordan Bardella apparaît comme relativement inoffensif par voie de comparaison avec Jean-Luc Mélenchon, qui semble décidé à gouverner et à conduire des réformes d’ampleur.

 

Un barrage contre le NFP?

 

Les sondages indiquent qu’un grand nombre d’électeurs du centre feraient le choix du RN, non seulement dans l’hypothèse d’un duel avec un candidat LFI, mais aussi d’une autre composante du Nouveau front populaire (NFP). Non seulement il n’y a pas de « barrage républicain » contre le RN, mais un tel barrage opère aussi contre la majorité présidentielle, et encore plus contre le NFP : alors que 41% des Français envisagent de voter pour s’opposer au RN, 44% entendent le faire pour contrer la majorité présidentielle, et 47% le NFP. Au second tour, les électeurs de Renaissance envisagent davantage de faire barrage au NFP (71%) qu’au RN (65%)… (sondage du 25 juin, Public Sénat).



La diabolisation qui domine la campagne touche les trois grandes forces politiques, et tout particulièrement le NFP, victime de la mauvaise image de LFI et de son leader. Et l’idée que l’extrême-gauche serait par essence pétrie de bonnes intentions, alors que l’extrême-droite serait par nature toxique, n’est pas largement partagée dans l’électorat. Il en va de même de l’idée que l’antisémitisme de gauche serait plus acceptable – car purement électoral – que celui de droite (voir l'étonnante tribune au Monde de Arié Alimi et Vincent Lemire, 20 juin 2024).

 

Une domination de LFI trop manifeste

 

Les leaders de la gauche modérée ont beau clamer que le NFP implique un grand nombre de partis, allant de la gauche révolutionnaire au centre-gauche, la domination de LFI est manifeste aux yeux des électeurs : la formation a en effet obtenu 229 circonscriptions, contre 175 au PS/Place Publique, 50 au PCF et 92 aux écologistes. En outre, l’accord fondateur du NFP prévoit que, dans l’hypothèse d’une victoire, c’est le groupe parlementaire le plus étoffé qui choisira le premier ministre : compte tenu de la répartition des circonscriptions, il est probable que ce serait LFI. Enfin, même si certains leaders de gauche essaient de rassurer les électeurs en faisant valoir que Jean-Luc Mélenchon ne sera pas Premier ministre, celui-ci et ses amis ne se sont pas privés d’affirmer le contraire à plusieurs reprises ces derniers jours. Or les sondages indiquent une forte réticence des électeurs modérés à son encontre : 79% des sondés considèrent que Jean-Luc Mélenchon est un handicap pour son camp (Le Figaro, 20 juin 2024). Parmi les 18 responsables politiques français les susceptibles de devenir Président, il est le deuxième plus impopulaire après Eric Zemmour (voir ci-dessous).



En somme, Jean-Luc Mélenchon, qui a su un temps agréger les forces de gauche, est désormais un épouvantail à électeurs qui ne convainc plus qu’une minorité fortement politisée.

 

La stratégie du chaos ?

 

Depuis le début de sa quête présidentielle, il sait sans doute qu’il n’a aucune chance de gagner une élection nationale. La seule option pour lui, c’est la remise en cause de ses résultats – ce qu’il avait fait en 2017 et 2022 – ou l’insurrection : le peuple en lutte contre le fascisme qui l’appelle à la rescousse, les masses qui le prient de mettre un terme au chaos. Chaos qu’orchestrent déjà certains responsables insoumis en cas de victoire du RN le 7 juillet, comme Manon Aubry (Sud Radio, 25 juin 2024) : « Si le RN gagne, il faudra faire acte de résistance, peut-être un appel à la grève générale. Et se rajoute les syndicats qui sont eux-aussi sur le pont. » Jean-Luc Mélenchon et ses fidèles semblent encore croire à cette hypothèse « gaullienne », et sabotent de ce fait la campagne du NFP en refusant la voie de la modération. Car la condition pour que la gauche puisse faire barrage au RN, seule ou dans le cadre d’une coalition d’union nationale des partis dits « républicains », est de séduire les électeurs sociaux-démocrates et libéraux au second tour. Cela implique de mettre hors-jeu Jean-Luc Mélenchon et de faire campagne pour un candidat à Matignon moins clivant. Mais le tribun et ses affidés l’excluent avec force.




Ecarter résolument l’hypothèse Mélenchon

 

Pour éviter l’arrivée de Jordan Bardella au pouvoir, la seule solution est que les responsables de la gauche républicaine prennent fermement leurs distances avec le leader des insoumis, qui pousse si bien les électeurs Renaissance et LR dans les bras du RN. Ils doivent le faire, non pas à mots couverts ou en s’excusant de contester son leadership, mais de manière claire et résolue, pour donner des garanties aux citoyens qui préfèrent le PS, le Centre Gauche-PRG ou EELV au RN, mais se défient de Jean-Luc Mélenchon. La victoire des partis républicains contre l’extrême-droite est à ce prix. Il leur reste trois jours pour clarifier les choses.

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